« Ce jour-là, je suis passé rue du
Dragon et j’ai découvert l’adresse des Cahiers d’art. J’étais passé deux
mille fois devant sans l’avoir jamais vue ! Je suis entré, pour voir.
Je ne savais pas que c’était encore vivant, rien n’avait été édité
depuis 1960. J’ai demandé si c’était à vendre. » Pierre de
Fontbrune, l’homme à qui s’adresse le collectionneur Staffan Ahrenberg,
lui conseille de laisser sa carte et de rencontrer son frère, Yves. Ils
se verront le surlendemain : « Vous tombez bien, je pensais vendre », dit Fontbrune. Réponse d’Ahrenberg : « Très bien, j’achète. »
Et c’est ainsi, par hasard, que le collectionneur suédois a repris en
2011 la revue, la maison d’édition et la galerie fondées en 1926 et
relancé cette formidable aventure.
Car les Cahiers d’art sont un mythe. Fondés en 1926 par le critique d’art et écrivain Christian Zervos (1889-1970), les Cahiers,
contemporains au départ du Bauhaus, de Klee ou Kandinsky, vont tout de
suite s’intéresser à Matisse, Braque, Léger, Giacometti, Picasso
surtout, et collaborer avec eux, produisant notamment des pochoirs de
Miró et les Cœurs volants de Duchamp. Rien que cela !
Entre 1926 et 1960 — avec une interruption pendant la
guerre, de 1941 à 1943 —, la revue va ainsi publier 97 numéros, et les
éditions plus de 50 livres, d’art mais aussi de poésie, notamment de
Paul Eluard. Samuel Beckett y écrira l’un de ses premiers textes en
français, Jacques Lacan plusieurs articles. Le plus grand fait d’armes
reste bien sûr le catalogue raisonné des œuvres de Picasso que Christian
Zervos commence en 1932, réalise en collaboration avec l’artiste et qui
ne sera terminé qu’en 1978, huit ans après la mort de l’éditeur. Avec
un total de 33 volumes et quelque 16 000 illustrations, « le Zervos »,
ainsi qu’il est appelé, reste aujourd’hui la bible sur Picasso.
En une du nouveau numéro de la revue — il y en aura un à trois par an —
officiellement relancée jeudi dernier, on peut lire cette indication :
36e année, n°1, 2012. Un numéro principalement consacré à Ellsworth
Kelly, l’artiste qui, dans la tradition de la revue, a participé à son
élaboration.
Avec à la rédaction en chef, Staffan Ahrenberg, Samuel
Keller (le directeur de la Fondation Beyeler à Bâle) et Hans Ulrich
Obrist (critique d’art et commissaire d’exposition) qui réalise ici
l’interview de l’artiste, on peut lire des textes d’Yve-Alain Bois, Ann
Hindry, Richard Townsend. On y découvre aussi un hommage à Oscar
Niemeyer par Tadao Ando, des photos inédites de Cyprien Gaillard, des
dessins récents d’Adrián Villar Rojas et la reprise d’une conversation
entre Picasso et Christian Zervos. La boucle est bouclée, tout peut
redémarrer.
Cahiers d’art, 136 pp., broché avec une lithographie d’E.Kelly, 60 euros.
Par abonnement sur Internet (www.cahierdart.fr) ou à la librairie et galerie Cahiers d’art, 14 rue du Dragon, 75006 Paris.
Par abonnement sur Internet (www.cahierdart.fr) ou à la librairie et galerie Cahiers d’art, 14 rue du Dragon, 75006 Paris.
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